J'ai lu et craqué pour "Enfin (tous) réunis", fallait donc que j'en sache plus sur sa mystérieuse auteure...
Annabelle, je m'excuse encore d'avoir passé la nuit sur ton paillasson, pardon d'avoir pris ton ficus en otage, pardon d'avoir menacé ton nain de jardin pour que finalement (et gentiment) tu veuilles bien répondre à mes quelques questions. Oui, merci à toi.
(Oui, j'ai bien conscience de ma légèreté humoristique mais, à ma décharge, je suis au CP depuis 12 ans)
Redevenons sérieux... s'il vous plait.

Annabelle Léna, à nous !

 

- Peux-tu te présenter à tous tes futurs lecteurs qui n’ont pas encore eu la chance de te lire ?

 

C’est toujours la question qui pose problème, ça… Je suis objectivement une femme même s’il y a peu de douceur en moi. Je suis faite de contradiction, ce qui est, à mon sens, la moindre des choses. Je suis auteure, sans trop savoir pourquoi. Comme d’autres ressentent le besoin de peindre. Ce n’est pas un choix, plutôt une constatation. Et quand j’écris, c’est noir. Ce que beaucoup ont du mal à concevoir car je suis très joyeuse. Je vis la plupart du temps coupée du monde, à écrire sur le monde, ce qui est en soi complètement stupide. Je ne sais écrire que des personnages, des failles car je suis passionnée par l’humain alors même que les gens m’exaspèrent. Et en plus, je suis une révoltée de la vie. En bref, j’ai tout pour être énervante (Qui vient de dire pour casser les couilles ?)

 

- Dans « Enfin (tous) réunis », j’ai pu rencontrer ce personnage sublime qu’est le commissaire Rognes, d’où tu le sors ce gars ?

 

Rognes est n’importe lequel d’entre nous, en situation d’échec. Nous ne sommes pas faits pour être en difficulté. Et la société va également en ce sens. Il faut être à la hauteur, être productifs et performants. Les failles ne sont pas tolérées alors que nous ne sommes que ça ! Quand nous n’y arrivons pas, nous sommes exclus de la machine. Nous l’avons tous ressenti un jour ou l’autre, ce sentiment de ne pas être à la hauteur, de ne pas y arriver. C’est pour ça, je pense, que Rognes est si touchant même si c’est un salaud et un gros nul. Il est simplement en échec à un moment donné de sa vie. Cela fait écho à une part de nous qui voudrait que la vie soit un petit peu moins pénible. Alors, on s’y accroche. Il faut que Rognes s’en sorte pour que nous puissions nous en sortir, nous aussi. C’est un personnage odieux que je n’ai jamais réussi à détester. Il est celui que nous ne pouvons pas juger car nous serions incapables de faire mieux, à sa place.

 

- Raconte-nous comment est né ce roman.

 

Un concours de circonstance. Je venais d’enterrer quelqu’un de très proche dans ma famille et suis allé à un atelier d’écriture pour me changer les idées. Là, l’animatrice nous sort une photo sépia avec deux couples dont les femmes semblent se détester en silence. Le thème : les photos de familles et ce qu’elles taisent… Après une demi-heure à me dire que j’étais maudite, j’ai foncé dans le tas en imaginant ce commissaire qui se fout de tout et qui se retrouve face à ce cliché, contraint d’affronter son propre album de famille.

 

- Tu peux nous dire quelques mots sur Marseille.

 

Ce que je peux te dire c’est que dans ce livre, Marseille est fantasmée, dans ses extrêmes, ce qu’elle a de plus beau et de plus pourri. J’adore cette ville, en théorie. J’ai depuis longtemps renoncé à y vivre… Marseille, c’est un mot qui fait rêver. Tout y est possible. Elle est à l’image exacte de ce commissaire, désespérante mais avec le meilleur fond du monde. Rognes est juste humain et essaie de survivre à sa manière. Comme Marseille qui respire difficilement au travers ses multiples polluants. C’est pourquoi j’ai voulu réunir ce personnage et cette ville.

 

- Es-tu en train de nous préparer un autre chef d’œuvre ?

 

Je prépare un autre texte, oui. Pour l’instant au stade de notes. Je suis du genre névrosé de l’écriture. Je peux me torturer l’esprit pendant deux jours sur une phrase, une virgule et donc forcément il me faut du temps, beaucoup de temps ! Trop de temps pourrait dire mon éditeur quand il s’agit de rendre ma copie et que je n’y arrive pas. Il me faut du temps pour mûrir l’histoire / les personnages, pour les écrire et puis pour tout déchirer et recommencer. Donc il va falloir patienter. Au minimum un an d’écriture. Et, par superstition, je ne dirai rien ! (mais ça va déchirer sa race, grave !)

 

- Dis, tu lis quoi en ce moment ?

 

Je termine un Nicolas Vanier (que j’adore) et je vais commencer « Journal ambigu d’un cadre supérieur » chez Monsieur Toussaint Louverture. Aucune idée de si c’est bon ou pas. Juste, j’ai découvert cet éditeur l’année dernière par le livre « Karoo ». Si tu me permets la parenthèse, « Karoo » est LE livre qui m’a secoué l’année dernière. Je ne comprends pas pourquoi on en a si peu parlé, je suis pour instaurer une loi qui oblige à le lire. C’est un chef-d’œuvre. Je voudrais le relire toute ma vie. Pour l’heure, je voulais savoir quel autre genre de livre l’éditeur est capable de sortir.

 

- Quels sont les auteurs qui t’inspirent ?

 

Je ne me focalise sur aucun auteur. Je suis plus portée sur l’objet que sur son créateur, capable après tout, d’un livre à l’autre, de me décevoir. J’ai mes livres préférés, pas réellement d’auteurs fétiches. Je lis beaucoup, évidemment. Mais pas forcément du polar. J’aime la fiction et suis allergique au reste. J’ai commencé à lire très tard, après l’école, quand on a arrêté de m’obliger à lire des choses qui ne m’intéressaient pas. Aussi j’ai une culture littéraire très pauvre. Pour y remédier, car je trouve que c’est une honte quand on est auteur de ne pas être un minimum cultivé, j’alterne mes lectures entre moderne et classique, noir et blanc, drôle et dramatique etc. Je me fais une bibliothèque dans ma tête, quoi. D’une manière générale, pour qu’un livre me plaise, il faut du fond et de la forme. La forme : que j’ai envie d’apprendre certaines phrases par cœur tant elles sont parfaites. Et pour le fond : que je ne sois pas la même à la fin du livre qu’au début. En bien ou en mal, il faut que j’ai été secouée, que j’ai réfléchi, que je me sois remise en question, ainsi que les choix de ma vie. Un livre ne peut pas se permettre d’être inutile. Sinon, mieux vaut allumer la télé, c’est fait pour ça.

 

- Fille ou garçon ?

 

Un zizi !

 

- Le mot de la fin…

 

Ha la la, les fins… C’est bien mon problème ! Toujours, on me demande de les refaire.